De doux présages

- Et alors là, tu vois, elle me regarde comme si je venais de dire une énorme bêtise, et elle commence à rougir en regardant dans tous les sens, moi je ne comprenais pas ce qui lui arriv...

- Fais gaffe!

La jeune fille poussa l'étudiant, et il eut à peine le temps de comprendre que son amie venait... plus ou moins de lui sauver la mise.

Devant ses yeux passèrent une grande silhouette. Un mètre quatre-vingt, des cheveux d'argent aux racine couleur d'encre, un oeil fauve, l'autre rouge. La manche de son large manteau noir  s'agitait doucement derrière elle, mue par sa vive allure, le brassard du conseil de discipline entouré de lauriers d'or, à l'instar de son col.
Et ses dents, présentant des crocs canins inhumains qui donnait tout l'effrois de son sourire carnassier.

En effet, il s'agissait de la présidente. Et Ô combien était-il rare de la voir sourire en dehors des combats.

A vrai dire... Son allure, vive, alors que ses pas claquait sur le carrelage brillant du couloir, et les élèves qui s'arrêtait à son passage alors qu'elle semblait se diriger inexorablement vers le bureau du conseil des élèves sous-entendait qu'elle avait à faire avec le président. Fait d'autant plus rare, et qui ne présageait rien de bon, du moins pas pour les élèves. On entendait de certains: "bon sang, le pauvre gars qui s'est fait choper...", d'autres: " Hum... elle va encore demander une loi restrictive...".
Mais certains, les yeux brillants, murmurait comme transcendé: "elle va lui demander... c'est pour maintenant".
Et en effet, elle semblait impatiente de remplir son objectif.
La porte de bois massive se dressa devant-elle alors qu'elle tournait à l'angle du corridor. Quelques membres du conseil discutaient, et se turent lorsqu'elle fut à moins de dix mètres d'eux. Qu'auraient ils put lui dire, leur fermeté habituelle vis à vis des élèves qui se présentaient devant le bureau alors que le président y travaillait était à l'origine de bien de blagues. Qui se seraient converties en messages de condoléances s'il avaient barré la route de Vilia. Ou peut-être pas, Qu'importe. L'aura faisait le boulot, de toute manière.
Elle poussa la porte sans toquer, espérant trouver directement le président de l'autre côté de la large table qui emplissait le bureau.

L'académie Rosenwell octroyait bien souvent à ses membres les plus prestigieux des traitements de faveur, et tout comme le bureau personnel de la présidente du conseil de discipline, celui du président du conseil des élèves, brillait d'une majesté un peu trop ostentatoire.

Au centre de la petite pièce aux murs recouverts de tentures rouges et or, de peintures de scènes de batailles d'un autre temps et de trophées divers et variés, se dressait un large bureau en chêne massif, imposant par sa splendeur. L'espace de travail était net, et libre. Soit le président n'avait pas beaucoup de travail, soit il s'attendait à avoir de la visite.
Sur le sol, un tapis rouge traçait droit le chemin de la porte au bureau de celui qui représentait le corps étudiant.

Et il était bel et bien, là, bien assis dans son fauteuil. Les deux mains jointes sur la table. Derrière lui, la grande verrière laisser passer les lourds rayon du soleil, si bien que l'on ne pouvait voir qu'une silhouette à cette heure de la journée. Il était rigoureusement impossible de lire les traits sur son visage. Eut-il broncher que personne ne l'eut su.

Lorsque Villia entra dramatiquement dans son bureau, le garçon ne bougea pas, ne dit pas un mot. Il resta complètement de marbre. S'y attendait-il ? Avait-il eut un haussement de sourcil caractéristique ? Etait-il trop stupéfait pour parler ? Il était impossible de le savoir. Le contrejour bloquait la vision de nouvel arrivant.

Dans la salle du conseil, les regards curieux et inquiets des autres membres du comité allait du président à la présidente. Les premières années se demandaient ce que Villia pouvait bien vouloir à ce président si gentil et aimable qui n'enfreignait jamais le règlement. Les secondes années se demandaient comment elle avait fait pour savoir que c'était le président qui avait volé un dessert supplémentaire au mess ce midi là. La seule troisième année, Faneharia étant absente, se demandait si Villia allait finalement craquer et si ils allaient enfin y avoir droit. Si enfin, les deux membres les plus respectés des deux conseils allaient...Et elle se mit à rougir comme une idiote... Quand aux restes des membres dans les années supérieures, ils avaient une petite idée sur la question. Et au lieu d'un regard inquiet, deux d'entre eux en échangèrent un complice avant de commencer à parier...

Le président ne bougeait toujours pas...

Vilia évalua rapidement la situation. Un public, le président invisible pour ainsi dire, et sa demande. Voila qui ne faisait pas bon ménage. Une série de situations plus ou moins fâcheuse défilèrent dans son esprit, et elle soupira, sûre que tout avait déjà été planifié plus ou moins à l'avance par le président. Son regard croisa celui de chaque membre présents. Les premières années lui jetèrent un regard de défis, mis en confiance par le conseil (quelle mignonne inconscience...), les secondes années semblèrent surpris (ils devaient bien être les seuls...) la troisième année avait viré au rouge... Vilia ne chercha même pas à chercher une raison, elle passa juste aux quatrième années qui cessèrent brutalement de se passer quelques billets en dessous de la table lorsqu'ils virent le croc de la présidente luire alors qu'elle jetait un regard menaçant.
Tsss... bon dieu, ce qu'elle pouvait hair ce genre de conseil... comment mettre les sages sur un pied d'égalité avec les nouveaux ignorants... enfin.. si telle était la volonté de l'administration... En attendant elle ne pouvait pas en parler devant tous ces gens justement pas... Par ailleurs...
Le contre-jour puait à des kilomètres, et le président en profitait, soit pour étudier sa réaction, soit carrément pour la mettre dans une situation inapropriée... comme à son habitude. Elle remit son col en place, et lâcha d'un ton impassible.

- J'ai une information très importante à communiquer au président.

Sa voix se fit beaucoup plus sombre, défiant quiconque de faire une quelconque blague ou remarque impromptue.

- En tête à tête.

- En tête à tête.

Bien sûr, aucune remarque inconvenue ne fusa. Mais c'en fut trop pour la troisième année qui s'effondra sur la table, aussi rouge qu'on pouvait l'être, victime de son imagination dépravée. Les plus âgés reprirent contenance et sourirent à Villia comme si de rien était, de ce sourire professionnel et et un rien agaçant... Enfin un première année finit par se remettre du choc et se leva pour aller fermer la porte qui séparait la salle du conseil du bureau du président.
Les deux battants étant un peu lourd, il dut forcer, si bien que la porte se ferma dans un grand bruit sourd et dramatique.
A ce moment là exactement, Säilän bougea enfin. Comme si la porte contenait un certain mécanisme, l'espace de travail du président se retourna soudain, laissant apparaître, camouflé à l'intérieur du bureau...

... un oreiller...

Et le président du conseil des élèves tomba la tête la première dessus, laissant échapper un bruyant ronflement. Puis soudain il battit des paupières et commença à regarder autour de lui. Il lui fallut un moment avant de finalement repérer Villia. Pendant un moment, il ne la reconnut pas.

"Enhore une hehite hihute..."

Mais très rapidement il se rendit compte de son erreur. Il se redressa aussitôt, reprenant contenance, alors que l'oreiller reprenait sa place camouflée. Il commença alors d'un ton léger et agréable, comme si de rien était :

"Ah. Bonjour Mademoiselle Arghael, que puis-je faire pour vous ?"

Mais on pouvait nettement voir que le garçon n'avait pas la plus petite idée de ce qu'elle pouvait bien faire ici. Il était même surpris qu'elle daignât venir jusqu'à son bureau...

La jeune femme regarda le 1ère année passer à côté d'elle, le suivant du regard sans bouger. La porte se referma donc, la laissant seule avec le président. Qu'allait il donc se passer? Elle appréhenda la situation, et doucettement, ses mains commencèrent à pulser, se couvrant d'un flux énergétiques noir et cyan à la fois. Elle s'attendait à une mauvaise... hum.. chute de la part du président, et préférait se préparer à toute éventualité... la nature totalement imprévisible des actions du président augmentant d'avantage sa méfiance.
Mais non, il était juste là, la tête posée sur un oreiller. Comme à son habitude, il était foncièrement inutilement ridicule. Et elle avait du mal à supporter ça. Mais Dieu merci il reprit contenance, lui permettant de faire refluer en elle son besoin irrepréssible de faire exploser son bureau en plein visage.


"Ah. Bonjour Mademoiselle Arghael, que puis-je faire pour vous ?"

Elle le salua, tel que cela se faisait dans une académie, et entama d'un ton calme:

" Voici le problème: depuis à peu près un mois, des rumeurs, comme vous avez dû les entendre, se propagent dans le lycée, rumeurs selon lesquelles vous et moi serions sujet à une rivalité qui nous n'oserions résoudre par un combat, de peur d'endommager le lycée. Ce dernier élément étant ce qui est le mieux passé de bouche à oreille, de nombreux... délits se sont multipliés, tels que ce ceux-ci..."

Elle leva la main, et un pan du mur à côté d'elle fut englouti par les ténèbres, avant de prendre la forme d'un miroir, à travers lequels on pouvait voir des parties du lycée. On y voyait des élèves chuchotant à voix basse, l'un prendre l'apparence de Lysandre avant de pénétrer dans les toilettes des filles, puis être brutalement éjectée quelques secondes après par une puissante déflagration d'énergie, mais aussi d'autres élèves qui changeaient certains signes, ou d'autres qui se battaient dans l'espoir de créer une foule. La dernière vision représentait un élève qui d'une voix enflammée clamait: "Il faut un vrai spectacle pour la fin d'année, un combat entre les meilleurs élèves du lycée... ET VOUS SAVEZ CE QUE CA VEUT DIRE!" Elle fit disparaître son sort, et reprit:

Des plans machiavélico-stupides et autres lettres plus ou moins ineptes que j'ai reçu durant les dernières semaines me donnent trop de travail pour que je puisse moi m'en occuper personnellement, et pour que les autres membres du conseil de discipline puissent faire régner l'ordre. Ainsi...

Elle garda son air impassible, tout en s'appuyant avec nonchalence sur le mur.

- Il me faudrait votre accord pour faire... une démonstration de puissance à l'écart du lycée, suffisamment importante pour que l'on puisse la voir depuis l'académie et à laquelle vous participeriez... bref, un petit montage qui mettrait un terme normalement à toutes ces stupides rumeurs. Qu'en pensez vous?

Säilän se tut le temps que Villia explique la situation. Apparemment, la délinquance prenait une autre tournure à l'Académie à un point qui devenait dangereux, ou tout simplement agaçant. Le garçon qui n'avait pourtant pas eut vent de telles rumeurs, s'apprêta à contredire la jeune femme. C'est alors qu'elle usa d'un artifice audacieux pour démontrer ses dires.

Säilän était toujours impressionné par la magie des autres étudiants. Une boule de cristal version miroir magique. Ça en jetait. Grave.

Mais le président était d'autant plus amusé par l'imagination des élèves. Changer d'apparence, très bon, très bon. Il faudrait qu'il apprenne ce sort là. Il pourrait être très utile. Très très utile... Enfin, il arriva un étudiant qui proclamait qu'ils avaient besoin d'un combat entre les deux élèves les puissants du lycée comme spectacle de fin d'année. Ah.

C'était donc là qu'elle voulait en venir. Säilän eut un petit sourire en coin alors que Villia finissait d'expliquer la situation.

-Il me faudrait votre accord pour faire... une démonstration de puissance à l'écart du lycée, suffisamment importante pour que l'on puisse la voir depuis l'académie et à laquelle vous participeriez... bref, un petit montage qui mettrait un terme normalement à toutes ces stupides rumeurs. Qu'en pensez vous?

Mais le président n'était pas du genre à céder si facilement. Il aimait bien jouer un peu avec les gens avant d'accéder à leurs requêtes. Quelles qu'elles soient. Et puis il n'était pas encore tout à fait sûr de la tournure que prenait la chose. Il prit on air le plus innocent et s'enquit :

"Ah. Quelque chose comme un feu d'artifice par exemple ?"

Les mains jointes sur la table, l'air parfaitement calme, le président attendit la réponse fulgurante de la jeune chef du conseil de discipline.

La jeune femme soupira. Pas encore un de ses jeux à la...

- Pas... vraiment monsieur le président, du moins avec un but semblable... Tout le monde en serait friand, mais personne ne voudrait être à côté lorsque ça explose...

Ah, hell... Elle ne pouvait lui dire de façon cru qu'elle n'attendait que de pouvoir se battre avec lui pour juger si elle devait le respecter lui autant que son titre... Vraiment, elle avait pu le supporter, de ne pas pouvoir se battre avec le président, elle n'avait jamais été insistante ni même défié le président dans un accès de rage, parce qu'elle n'était pas trop sûre de son coup... mais au fond d'elle elle brpulait de voir ce que ce noble plaisantin avait dans le ventre. Et, d'autre part, cette... succession d'évènements plus désagréables lui laissaient imaginer le pire, et même si elle avait bardé de défense sa chambre, ainsi que le vaste bureau dans lequel elle travaillait, les dispositifs qu'elle avait posé seraient peut être contrecarrés un jour, et se seraient sa vie privée qui serait en danger. Et elle pourrait raser toute l'académie à cause de cela. Elle essayait simplement de trouver du bon dans ce problème en se disant qu'il serait plus logique de faire un... hum... petit entrâinement, plutôt que de menacer le lycée entier de terribles représailles qui ne feraient pas frémir les inconsciences et les téméraires. Ainsi... ah, comment voulait-elle le cacher efficacement au président. Quelle situation chiante.

- Il nous faudrait juste une légère altercation, rien de plus, enjolivée par des effets de son et lumière... et je pense que ça calmerait le jeu...

* Allez... pourquoi tu perds ton temps, c'est un putain de problème administratif, tu donne ta réponse et on en parle plus...*

Säilän se frappa alors la main du poing dans sa mimique favorite, comme si il venait de comprendre quelque chose d'absolument génial. Il s'exclama dans le même temps :

"Ah !"

Il se leva lentement, s'étira discrètement, contourna son bureau et vin s'asseoir contre ce dernier juste devant Villia, un sourire tout ce qu'il y avait de plus anodin sur le visage. Ce même sourire qu'il arborait en permanence et qui correspondait pour lui à une mine impassible. Mais alors ses yeux habituellement clos, s'entrouvrir, laissant apparaître des yeux dorés d’excitation.
Enfin, très peu de gens savaient que la couleur or qui luisait dans ses yeux correspondaient à l’excitation. Étant donné qu'elle apparaissait rarement.

Säilän résuma les propos de la jeune femme lentement et précisément.

"Si je comprends bien, vous voulez organiser un combat d'entrainement pour montrer aux élèves que le conseil de discipline n'a rien perdu de sa grandeur et ce sans avoir à abattre la moitié de l'académie au passage. Je n'y vois pas d'inconvénient. Mais j'ai du mal à comprendre la fin..."

Säilän marqua une pause, volontaire dans son discours. Conscient qu'il poussait le bouchon. Mais il aimait trop s'amuser avec les gens pour s'arrêter là. Et puis ce n'était pas bien méchant. Il voulait juste lui faire dire ce qu'elle refusait d'admettre.

"Avez vous choisi un adversaire ?"

That's it, c'est bon, c'est fini. Il semble faire le chemin jusqu'au bout, il semble compléter la chose et LA IL COUPE ENCORE EN DEUX LA ROUTE JUSQU'A LA SOLUTION?

Elle inspira un grand coup, et lâcha, en se décollant du mur:

- oui monsieur le président, et même un lieu, vous voyez la vaste clairière qui se situe au pied de la cascade qui part du glacier de la Jeune endormie? Il y a un terrain disponible d'à peu près cinq cent mètre nord/sud pour huit cent mètres est ouest, de désert. Et la rivière à côté. Par ailleurs le terrain se situe à deux kilomètres de l'académie, ça devrait être suffisant pour le faire. Par ailleurs non, ce n'est pas pour montrer la toute puissance du conseil, mais juste mettre un terme à cette gangraine qui m'empêche de faire mon boulot correctement.

Elle avait prononcé ces derniers mots d'une voix un peu plus sèche, mais elle ne pouvait s'empêcher de rester impassible, ayant trop peur d'exploser avant qu'elle... ne dusse réellement exploser. Elle fit un geste nonchalent de la main, et l'une des fenêtre s'ouvrit, donnant une vue magnifique sur l'académie, les montagnes de Seirei, et les quelques quarantes mètres qui les séparaient du sol.

- Vous m'accompagnez, alors?

Säilän eut un sourire extrêmement léger et court, mais très éloquent. Bien sûr qu'il acceptait. Après tout il n'avait pas eut un adversaire décent depuis des années. Et cette fois, il n'allait pas se défiler prétextant une maladie quelconque, il avait vraiment l'intention de se donner à fond.

Il était déjà en train de monter mille plans de combats, si vite que ses yeux s'étaient de nouveaux fermés pour empêcher ses sens de limiter son raisonnement. Mais soudain, il eut l'air de nouveau normal alors qu'il se rasseyait à son bureau. Il venait d'avoir une idée, oh positivement géniale.

Il sourit à Villia de son air faux habituel et déclara.

-Je vous y rejoindrait dans quelques heures. J'ai une ou deux prép... affaires en cours dont je doit m'occuper expressément.

Säilän allait visiblement être intransigeant. Jamais il ne se serait permit de congédier Villia de la main, mais le mutisme dans lequel il avait visiblement l'intention de se terrer était suffisamment expressif pour qu'il n'en ai pas besoin et pour qu'il ne se montre pas impoli.

Le président Dëntilës n'était jamais impoli.